dimanche 26 juillet 2009
ami yoshida
Artiste : Ami Yoshida
Titre album : Tiger Thrush
Année : 2003
Label : Improvised Music from Japan
Lorsqu’elle évoque le travail qu’elle effectue avec sa voix, Ami Yoshida parle de hurlement. Mais elle parle aussi de braillement et de mugissement. Pour ma part, j’aurais aussi employé les termes de cri, de vocifération, de murmure, de sifflement, de râle. Le terme anglais qu’elle utilise d’ailleurs pour parler de son organe (« howling voice ») est en lui-même tellement polysémique qu’il semble autoriser l’inflation du vocabulaire. Mais cette inflation n’est pas indue. La voix d’Ami Yoshida, cette artiste de l’avant-garde japonaise, semble en effet contenir tout ce que le monde compte de déchirements, de brûlures et de démesure.
Et c’est sans doute parce qu’elle parfaitement consciente des possibilités de sa voix que l’artiste japonaise a décidé de lui consacrer un album entier, Tiger Thrush . Mais pas un album au sens où on l’entend habituellement avec des titres qui s’enchaînent, avec une progression plus ou moins maîtrisée. Tiger Thrush , avec ses 99 pistes le plus souvent très courtes, sans jamais de titre, ressemble davantage à une sorte de cabinet de curiosité sonore dédié à la voix. Dans ce disque sans la moindre mélodie, l’artiste japonaise y donne à entendre tout ce que sa voix peut créer en terme de textures et de bruits : chants d’oiseaux inconnus sur la terre, paysage industriel, cri étouffé, râle, rythmes gutturaux, braillement d’enfant, source d’eau clair, et j’en passe. Le travail, surprenant, étrange, conduit même à nous faire oublier que c’est bien une voix que l’on est en train d’écouter. Mais attention, ne jamais imaginer que l’on a ici affaire à une sorte de ventriloque ou une performeuse de foire. Non. Et Ami Yoshida fait aussi plus que se mettre à nue . Elle dissèque, sous nos oreilles, sa propre voix. Elle la torture pourrait-on dire. Elle en révèle en tous les cas les failles les plus terrifiantes, les profondeurs inexplorées, les ravissements irréels. Elle en dévoile aussi, bizarrement, les possibilités de maquillage (et pas seulement parce qu’elle s’accompagne parfois de sons électroniques) et donc les faux-semblants. Elle construit ainsi l’œuvre la plus déroutante qui soit grâce à l’instrument le plus banal qui soit. Une œuvre qui, au-delà de la fascination qu’elle fait naître, renseigne à la fois sur les territoires d’extension à venir pour la musique et, plus profondément, sur ce que l’homme a toujours été au plus profond de son être.
de http://www.laptitemaison.com/ptitemaison/article.php3?id_article=409
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